Sam
2005-05-24 06:31:02 UTC
Bonjour à tous.
Je ne reproduis pas les passages du Professeur Riboni ou de Chret06,
relatifs à la date de rédaction des évangiles. Vous pouvez vous reporter à
C&E N°26
http://groups.google.fr/group/fr.soc.religion/msg/dd0e3c6cb7ad37be?dmode=source&hl=fr
Rappelons juste que pour le premier, les évangiles ont été écrits "entre 50
et 150"
http://www.christianisme.ch/christianisme.htm
Pour le second, la date est encore plus tardive (au moins un siècle après
les faits). Sur Marc précisément, il écrit :
<< Vers 170 : Rédaction de l'évangile dit de Marc
Nota: les auteurs font allusion à la défaite de Bar-Kocheba de 135 ce qui
prouve que cet évangile est postérieur à cette date. >>
http://www.bible.chez.tiscali.fr/h02.htm
Je signale juste un mensonge de Chret06 : la révolte de Bar Kochba n'est pas
mentionnée par Marc.
Sans se rendre compte qu'il se contredit de façon bouffonne, Chret06 écrit
sur une autre page, à propos des évangélistes :
<< Le premier, c'est Marc qui écrit vers +70 donc il n'a pas connu Jésus
comme d'ailleurs Matthieu, Jean et Luc qui reprendront l'histoire de Marc,
en faisant quelques erreurs.>>
http://www.bible.chez.tiscali.fr/sources.htm
En fait, Chret06 reprend une interview de Michel Onfray, l'ignare en vogue
au moment où j'écris. Le résumé de l'intervention de celui-ci par Chret06
est truffé de bourdes et de mensonges, mais je me contente aujourd'hui de
citer ce passage qui montre bien avec quel sérieux Chret06 écrit, avançant,
d'une page à l'autre, des dates différentes d'un siècle, pour le même
événement !
A quelle époque l'Evangile de Marc a-t-il été écrit ?
La plupart des exégètes affirment que Marc est antérieur à Matthieu et Luc,
et que ces derniers s'en sont inspirés, entre autres sources.
En fait, cette opinion ne repose sur rien de tangible.
L'argument principal utilisé pour faire de Marc une des sources de Mt et Lc,
est sa brièveté. Les deux autres auraient développé la trame marcienne.
On peut se demander pourquoi Marc n'auraient pas résumé et fusionné les deux
autres, si on veut vraiment qu'ils soient interdépendants. J. A. T. Robinson
émet cette hypothèse, sans la défendre ("Re-dater le Nouveau Testament" éd.
Lethielleux p. 163). Robinson reprend la thèse de son confrère W. R. Farmer.
Dès le 18e siècle, des savants comme H. Owen et J Griesbach défendaient
cette idée.
Il ne me semble donc pas possible de dater Marc en fonction des autres
évangiles.
Lorsque j'ai parlé de la date de rédaction de Matthieu (C&E N°26), j'ai
commencé par quatre arguments concernant les quatre évangiles, en faveur de
leur extrême précocité : 1) la langue hébraïque, 2) la grande proportion
d'hommes lettrés en Palestine, parmi lesquels certains, les chrétiens,
avaient à cour de propager la "Bonne Nouvelle" de manière fiable, 3) la
connaissance parfaite des événements de la part des évangélistes et 4)
l'absence de la moindre mention d'un fait postérieur aux quelques mois ayant
suivi la résurrection.
Tous ces points s'appliquent donc aussi à Marc, mais j'aimerais en ajouter
d'autres.
1) L'Evangile de Marc est le plus détaillé des quatre évangiles, en ce qui
concerne l'annonce des épreuves des chrétiens par Jésus. Marc y consacre
tout un chapitre, le treizième :
<< Lorsque Jésus sortit du temple, un de ses disciples lui dit: Maître,
regarde quelles pierres, et quelles constructions!
Jésus lui répondit: Vois-tu ces grandes constructions? Il ne restera pas
pierre sur pierre qui ne soit renversée.
Il s'assit sur la montagne des oliviers, en face du temple. Et Pierre,
Jacques, Jean et André lui firent en particulier cette question:
Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et à quel signe connaîtra-t-on que
toutes ces choses vont s'accomplir?
Jésus se mit alors à leur dire: Prenez garde que personne ne vous séduise.
Car plusieurs viendront sous mon nom, disant; C'est moi. Et ils séduiront
beaucoup de gens.
Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez pas
troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la
fin.
Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume; il
y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines. Ce
ne sera que le commencement des douleurs.
Prenez garde à vous-mêmes. On vous livrera aux tribunaux, et vous serez
battus de verges dans les synagogues; vous comparaîtrez devant des
gouverneurs et devant des rois, à cause de moi, pour leur servir de
témoignage.
Il faut premièrement que la bonne nouvelle soit prêchée à toutes les
nations.
Quand on vous emmènera pour vous livrer, ne vous inquiétez pas d'avance de
ce que vous aurez à dire, mais dites ce qui vous sera donné à l'heure même;
car ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit-Saint.
Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant; les enfants se
soulèveront contre leurs parents, et les feront mourir.
Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom, mais celui qui persévérera
jusqu'à la fin sera sauvé.
Lorsque vous verrez l'abomination de la désolation établie là où elle ne
doit pas être, que celui qui lit fasse attention, alors, que ceux qui seront
en Judée fuient dans les montagnes; que celui qui sera sur le toit ne
descende pas et n'entre pas pour prendre quelque chose dans sa maison; et
que celui qui sera dans les champs ne retourne pas en arrière pour prendre
son manteau.
Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces
jours-là!
Priez pour que ces choses n'arrivent pas en hiver.
Car la détresse, en ces jours, sera telle qu'il n'y en a point eu de
semblable depuis le commencement du monde que Dieu a créé jusqu'à présent,
et qu'il n'y en aura jamais.
Et, si le Seigneur n'avait abrégé ces jours, personne ne serait sauvé; mais
il les a abrégés, à cause des élus qu'il a choisis.
Si quelqu'un vous dit alors: Le Christ est ici, ou: Il est là, ne le croyez
pas.
Car il s'élèvera de faux Christs et de faux prophètes; ils feront des
prodiges et des miracles pour séduire les élus, s'il était possible.
Soyez sur vos gardes: je vous ai tout annoncé d'avance.
Mais dans ces jours, après cette détresse, le soleil s'obscurcira, la lune
ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances
qui sont dans les cieux seront ébranlées.
Alors on verra le Fils de l'homme venant sur les nuées avec une grande
puissance et avec gloire.
Alors il enverra les anges, et il rassemblera les élus des quatre vents, de
l'extrémité de la terre jusqu'à l'extrémité du ciel.
Instruisez-vous par une comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches
deviennent tendres, et que les feuilles poussent, vous connaissez que l'été
est proche.
De même, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le Fils de l'homme
est proche, à la porte.
Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela
n'arrive.
Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.
Pour ce qui est du jour ou de l'heure, personne ne le sait, ni les anges
dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul.
Prenez garde, veillez et priez; car vous ne savez quand ce temps viendra.
Il en sera comme d'un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison,
remet l'autorité à ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au
portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le
soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin; craignez
qu'il ne vous trouve endormis, à son arrivée soudaine.
Ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez. >>
a/ Ce qui ressort de ce passage est que plusieurs points annoncés par Jésus
ne se sont pas produits.
Il est questions de tremblements de terre, puis Jésus annonce : "Mais dans
ces jours, après cette détresse, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera
plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont
dans les cieux seront ébranlées."
Plusieurs exégètes supposent que Marc a confondu les prophéties liées à deux
périodes futures, celle de la guerre judéo-romaine, et celle de la "Fin des
Temps".
Il est absolument impossible que Marc ait commis une telle erreur si son
évangile date d'après 70. Chacun aurait pu lui opposer la non-réalisation de
certaines parties de son texte.
b/ Par ailleurs, il donne ce conseil de Jésus : "Lorsque vous verrez
l'abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être, que
celui qui lit fasse attention, alors, que ceux qui seront en Judée fuient
dans les montagnes"
Or, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, les Chrétiens de Jérusalem,
vers 66, s'enfuirent dans la ville de Pela. Là encore, il est
incompréhensible que Marc ait mentionné la phrase ci-dessus, s'il écrit
après 70, ou même, après 66.
c/ Le texte ne semble indiquer que des persécutions en Judée. Or, en 64, la
première grande persécution romaine, celle de Néron, a déjà eu lieu, et Marc
semble l'ignorer. Ce n'est sûrement pas la peur qui l'a empêché de la
mentionner : il suffit de lire les témoignages, y compris païens, concernant
les martyrs, pour se rendre compte que les premiers Chrétiens non seulement
ne cachaient pas ces persécutions, mais qu'ils les revendiquaient comme des
signes de la solidité de leur foi.
Aussi bizarre que cela paraisse, l'opinion d'une datation antérieure à 70
est assez largement admise, même chez les partisans des datations tardives.
Dans la pensée unique chrétienne, il est de coutume de dater Marc des
environs de l'an 65. J'en profite pour faire remarquer que cela implique que
Marc a réellement annoncé, avant 70, la destruction du Temple. Par
conséquent, dater les autres évangiles postérieurement à 70, uniquement
parce que, eux aussi, contiennent cette prophétie, est un non-sens.
2) J. A. T. Robinson fait remarquer ("Redater le Nouveau Testament" éd.
Lethielleux p. 153), un point singulier : l'une des Marie, qui assistent à
la crucifixion est "mère de Jacques, Simeon (ou Simon), Jude et José (ou
Joseph ou Joset ou Joses), qui sont les "frères" de Jésus (en fait, ses
cousins.
Mais Marc indique qu'elle est "mère de Joses" (15,47), puis "mère de
Jacques" (16,1). Robinson fait remarquer qu'après 62, et la mort de Jacques,
son frère Simon remplaça ce dernier, à la tête de l'Eglise de Jérusalem.
Pourquoi, si Marc écrit aux alentours de 70, ou un peu avant, Marc ne met-il
pas ce dernier nom en avant ?
3) J'ai déjà parlé du manuscrit 7Q5, découvert à Qumran, et forcément
antérieur à 68. Il s'agit d'un extrait de Marc (6,52-53)
La date n'est contestée par personne, mais certains contestent qu'il
s'agisse de Marc.
Leurs arguments principaux sont :
a/ La longueur des lignes n'est pas régulière. Or, J. O Callaghan a proposé
une reconstitution du texte, en cinq lignes de 20,23,20,21,21 lettres (cf C.
P. Thiede "Qumran et les évangiles éd. F. X. de Guibert p.46) C'est aussi
l'opinion d'autres papyrologues : Thiede, évidemment, Herbert Hunger,
Orsolina Montevecchi, etc.
b/ Une des lettres de la deuxième ligne, un "nu" grec, n'aurait pas de barre
transversale, d'après plusieurs auteurs qui n'ont pas étudié le manuscrit
directement (Graham Stanton, Emile Puech, etc.)
Thiede répond à Puech dans "Jésus selon Matthieu" (même éd. p. 105) que la
barre transversale a été constatée par le laboratoire criminologiste
national d'Israël. Son épaisseur a même été mesurée par ce labo, mais je ne
sais plus où j'ai lu ça, et Thiede ne le mentionne pas, en tout cas, pas à
cet endroit. De toute façon, même à l'oil nu, on peut constater que la
barre, quoique peu prononcée, existe bel et bien :
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D'autres arguments sont réfutés par Thiede dans ses réponses, à la fin de
"Jésus selon Matthieu"
Un point important : le texte retrouvé à Qumran, comme tous ceux de la
grotte 7, est en grec. Il s'agit d'un des exemplaires de l'Evangile de Marc,
qui apparemment était bien distribué dans le bassin méditerranéen. Dans la
grotte 7, on a également retrouvé un vol d'amphore, servant à transporter
les papyrus. On peut y lire (en hébreu) : Rome.
La date de 68 est une date limite, car ensuite, la zone fut bouclée par les
troupes romaines de Vespasien. Mais la rédaction de ce papyrus est sans
doute antérieure. Quant à l'original, il est encore antérieur. Et le texte
hébreu est encore plus ancien.
A moins de supposer que ce papyrus soit un des tout premiers exemplaires de
Marc, il faut repousser la rédaction à plusieurs années en arrière,
peut-être plusieurs décennies.
4) Paradoxalement, si l'Evangile de Marc est celui des quatre qui nous
fournit le moins d'indices quant à sa date de rédaction, il est celui à
propos duquel la tradition apporte les informations les plus sûres.
Nous avons deux textes de Clément d'Alexandrie affirmant que Marc écrivit
son évangile à la suite de la visite de Pierre à Rome. Eusèbe de Césarée
écrit :
"Il [Clément, dans ses "Hypotyposes"] disait que les évangiles qui
comprennent les généalogies ont été écrits d'abord, et que celui selon Marc
le fut dans les circonstances suivantes : Pierre ayant prêché la doctrine
publiquement à Rome et ayant exposé l'Évangile par l'Esprit, ses auditeurs
qui étaient nombreux exhortèrent Marc, en tant qu'il l'avait accompagné
depuis longtemps et qu'il se souvenait de ses paroles, à transcrire ce qu'il
avait dit : il le fit et transcrivit l'Évangile à ceux qui le lui avaient
demandé : ce que Pierre ayant appris, il ne fit rien par ses conseils, pour
l'en empêcher ou pour l'y pousser".
(HE 6,14,5-7)
En HE 3,39,15, Eusèbe cite Papias, qui confirme que Marc se fit l'interprète
de Pierre (ou son traducteur)
En HE 2,15,2, Eusèbe cite Papias et Clément, et confirme que c'est à Rome,
après la visite de Pierre, que Marc écrivit.
D'autres auteurs ont repris ces informations, notamment Saint Jérôme et
Irénée.
Ce dernier auteur est souvent utilisé par les tenants d'une rédaction
tardive, car Irénée affirme ("Contre les hérésies" 3,1,1) que Marc écrivit
après leur départ [de Pierre et Paul]. Ils affirment qu'Irénée signifiaient
par là "après leur mort" (en 64).
Malheureusement pour les Puech, Boismard et autres Grelot, E. E. Ellis a
montré qu'Irénée n'utilisait jamais le mot "départ" (exodos) pour autre
chose qu'un départ. Pour la mort, il utilise toujours, et sans exception, le
mot "thanatos" (Jésus selon Matthieu p. 117)
Or, Pierre est arrivé à Rome en 42, et y est resté environ deux ans, d'après
Eusèbe, et d'autres sources citées par Robinson (reportez-vous à "Redater le
Nouveau Testament" p.159 et ss. La liste des arguments de Robinson est un
peu longue)
En conclusion, il n'y a aucun argument permettant de dater l'Evangile de
Marc au-delà des années 40.
Je ne pense pas qu'on puisse non plus le dater d'une période plus ancienne,
d'abord à cause du témoignage des Pères, et aussi parce que Marc évite les
mentions concernant la prédication vers les seuls Juifs, contrairement à
Matthieu (ce qui indiquait pour ce dernier, comme je l'ai déjà dit, une
datation remontant aux années 30)
La date de 65 est une date limite vers le haut, mais la période la plus
probable reste les années 40, c'est-à-dire une période où de nombreux
témoins étaient encore vivants, par exemple Alexandre et Rufus, fils de
simon de Cyrène, que Marc mentionne en 15,21. ("Et ils requièrent, pour
porter sa croix, Simon de Cyrène, le père d'Alexandre et de Rufus, qui
passait par là, revenant des champs")
Rufus est d'ailleurs mentionné en Rom. 16,13 ("Saluez Rufus, cet élu dans le
Seigneur, et sa mère qui est aussi la mienne."), ce qui montre bien que Marc
était un familier de la communauté de Rome. Voir aussi 1Pi 5,13 ("Celle qui
est à Babylone, élue comme vous, vous salue, ainsi que Marc, mon fils.")
A mardi prochain.
Je ne reproduis pas les passages du Professeur Riboni ou de Chret06,
relatifs à la date de rédaction des évangiles. Vous pouvez vous reporter à
C&E N°26
http://groups.google.fr/group/fr.soc.religion/msg/dd0e3c6cb7ad37be?dmode=source&hl=fr
Rappelons juste que pour le premier, les évangiles ont été écrits "entre 50
et 150"
http://www.christianisme.ch/christianisme.htm
Pour le second, la date est encore plus tardive (au moins un siècle après
les faits). Sur Marc précisément, il écrit :
<< Vers 170 : Rédaction de l'évangile dit de Marc
Nota: les auteurs font allusion à la défaite de Bar-Kocheba de 135 ce qui
prouve que cet évangile est postérieur à cette date. >>
http://www.bible.chez.tiscali.fr/h02.htm
Je signale juste un mensonge de Chret06 : la révolte de Bar Kochba n'est pas
mentionnée par Marc.
Sans se rendre compte qu'il se contredit de façon bouffonne, Chret06 écrit
sur une autre page, à propos des évangélistes :
<< Le premier, c'est Marc qui écrit vers +70 donc il n'a pas connu Jésus
comme d'ailleurs Matthieu, Jean et Luc qui reprendront l'histoire de Marc,
en faisant quelques erreurs.>>
http://www.bible.chez.tiscali.fr/sources.htm
En fait, Chret06 reprend une interview de Michel Onfray, l'ignare en vogue
au moment où j'écris. Le résumé de l'intervention de celui-ci par Chret06
est truffé de bourdes et de mensonges, mais je me contente aujourd'hui de
citer ce passage qui montre bien avec quel sérieux Chret06 écrit, avançant,
d'une page à l'autre, des dates différentes d'un siècle, pour le même
événement !
A quelle époque l'Evangile de Marc a-t-il été écrit ?
La plupart des exégètes affirment que Marc est antérieur à Matthieu et Luc,
et que ces derniers s'en sont inspirés, entre autres sources.
En fait, cette opinion ne repose sur rien de tangible.
L'argument principal utilisé pour faire de Marc une des sources de Mt et Lc,
est sa brièveté. Les deux autres auraient développé la trame marcienne.
On peut se demander pourquoi Marc n'auraient pas résumé et fusionné les deux
autres, si on veut vraiment qu'ils soient interdépendants. J. A. T. Robinson
émet cette hypothèse, sans la défendre ("Re-dater le Nouveau Testament" éd.
Lethielleux p. 163). Robinson reprend la thèse de son confrère W. R. Farmer.
Dès le 18e siècle, des savants comme H. Owen et J Griesbach défendaient
cette idée.
Il ne me semble donc pas possible de dater Marc en fonction des autres
évangiles.
Lorsque j'ai parlé de la date de rédaction de Matthieu (C&E N°26), j'ai
commencé par quatre arguments concernant les quatre évangiles, en faveur de
leur extrême précocité : 1) la langue hébraïque, 2) la grande proportion
d'hommes lettrés en Palestine, parmi lesquels certains, les chrétiens,
avaient à cour de propager la "Bonne Nouvelle" de manière fiable, 3) la
connaissance parfaite des événements de la part des évangélistes et 4)
l'absence de la moindre mention d'un fait postérieur aux quelques mois ayant
suivi la résurrection.
Tous ces points s'appliquent donc aussi à Marc, mais j'aimerais en ajouter
d'autres.
1) L'Evangile de Marc est le plus détaillé des quatre évangiles, en ce qui
concerne l'annonce des épreuves des chrétiens par Jésus. Marc y consacre
tout un chapitre, le treizième :
<< Lorsque Jésus sortit du temple, un de ses disciples lui dit: Maître,
regarde quelles pierres, et quelles constructions!
Jésus lui répondit: Vois-tu ces grandes constructions? Il ne restera pas
pierre sur pierre qui ne soit renversée.
Il s'assit sur la montagne des oliviers, en face du temple. Et Pierre,
Jacques, Jean et André lui firent en particulier cette question:
Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et à quel signe connaîtra-t-on que
toutes ces choses vont s'accomplir?
Jésus se mit alors à leur dire: Prenez garde que personne ne vous séduise.
Car plusieurs viendront sous mon nom, disant; C'est moi. Et ils séduiront
beaucoup de gens.
Quand vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerres, ne soyez pas
troublés, car il faut que ces choses arrivent. Mais ce ne sera pas encore la
fin.
Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume; il
y aura des tremblements de terre en divers lieux, il y aura des famines. Ce
ne sera que le commencement des douleurs.
Prenez garde à vous-mêmes. On vous livrera aux tribunaux, et vous serez
battus de verges dans les synagogues; vous comparaîtrez devant des
gouverneurs et devant des rois, à cause de moi, pour leur servir de
témoignage.
Il faut premièrement que la bonne nouvelle soit prêchée à toutes les
nations.
Quand on vous emmènera pour vous livrer, ne vous inquiétez pas d'avance de
ce que vous aurez à dire, mais dites ce qui vous sera donné à l'heure même;
car ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit-Saint.
Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant; les enfants se
soulèveront contre leurs parents, et les feront mourir.
Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom, mais celui qui persévérera
jusqu'à la fin sera sauvé.
Lorsque vous verrez l'abomination de la désolation établie là où elle ne
doit pas être, que celui qui lit fasse attention, alors, que ceux qui seront
en Judée fuient dans les montagnes; que celui qui sera sur le toit ne
descende pas et n'entre pas pour prendre quelque chose dans sa maison; et
que celui qui sera dans les champs ne retourne pas en arrière pour prendre
son manteau.
Malheur aux femmes qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces
jours-là!
Priez pour que ces choses n'arrivent pas en hiver.
Car la détresse, en ces jours, sera telle qu'il n'y en a point eu de
semblable depuis le commencement du monde que Dieu a créé jusqu'à présent,
et qu'il n'y en aura jamais.
Et, si le Seigneur n'avait abrégé ces jours, personne ne serait sauvé; mais
il les a abrégés, à cause des élus qu'il a choisis.
Si quelqu'un vous dit alors: Le Christ est ici, ou: Il est là, ne le croyez
pas.
Car il s'élèvera de faux Christs et de faux prophètes; ils feront des
prodiges et des miracles pour séduire les élus, s'il était possible.
Soyez sur vos gardes: je vous ai tout annoncé d'avance.
Mais dans ces jours, après cette détresse, le soleil s'obscurcira, la lune
ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances
qui sont dans les cieux seront ébranlées.
Alors on verra le Fils de l'homme venant sur les nuées avec une grande
puissance et avec gloire.
Alors il enverra les anges, et il rassemblera les élus des quatre vents, de
l'extrémité de la terre jusqu'à l'extrémité du ciel.
Instruisez-vous par une comparaison tirée du figuier. Dès que ses branches
deviennent tendres, et que les feuilles poussent, vous connaissez que l'été
est proche.
De même, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le Fils de l'homme
est proche, à la porte.
Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela
n'arrive.
Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.
Pour ce qui est du jour ou de l'heure, personne ne le sait, ni les anges
dans le ciel, ni le Fils, mais le Père seul.
Prenez garde, veillez et priez; car vous ne savez quand ce temps viendra.
Il en sera comme d'un homme qui, partant pour un voyage, laisse sa maison,
remet l'autorité à ses serviteurs, indique à chacun sa tâche, et ordonne au
portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison, ou le
soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin; craignez
qu'il ne vous trouve endormis, à son arrivée soudaine.
Ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez. >>
a/ Ce qui ressort de ce passage est que plusieurs points annoncés par Jésus
ne se sont pas produits.
Il est questions de tremblements de terre, puis Jésus annonce : "Mais dans
ces jours, après cette détresse, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera
plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont
dans les cieux seront ébranlées."
Plusieurs exégètes supposent que Marc a confondu les prophéties liées à deux
périodes futures, celle de la guerre judéo-romaine, et celle de la "Fin des
Temps".
Il est absolument impossible que Marc ait commis une telle erreur si son
évangile date d'après 70. Chacun aurait pu lui opposer la non-réalisation de
certaines parties de son texte.
b/ Par ailleurs, il donne ce conseil de Jésus : "Lorsque vous verrez
l'abomination de la désolation établie là où elle ne doit pas être, que
celui qui lit fasse attention, alors, que ceux qui seront en Judée fuient
dans les montagnes"
Or, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, les Chrétiens de Jérusalem,
vers 66, s'enfuirent dans la ville de Pela. Là encore, il est
incompréhensible que Marc ait mentionné la phrase ci-dessus, s'il écrit
après 70, ou même, après 66.
c/ Le texte ne semble indiquer que des persécutions en Judée. Or, en 64, la
première grande persécution romaine, celle de Néron, a déjà eu lieu, et Marc
semble l'ignorer. Ce n'est sûrement pas la peur qui l'a empêché de la
mentionner : il suffit de lire les témoignages, y compris païens, concernant
les martyrs, pour se rendre compte que les premiers Chrétiens non seulement
ne cachaient pas ces persécutions, mais qu'ils les revendiquaient comme des
signes de la solidité de leur foi.
Aussi bizarre que cela paraisse, l'opinion d'une datation antérieure à 70
est assez largement admise, même chez les partisans des datations tardives.
Dans la pensée unique chrétienne, il est de coutume de dater Marc des
environs de l'an 65. J'en profite pour faire remarquer que cela implique que
Marc a réellement annoncé, avant 70, la destruction du Temple. Par
conséquent, dater les autres évangiles postérieurement à 70, uniquement
parce que, eux aussi, contiennent cette prophétie, est un non-sens.
2) J. A. T. Robinson fait remarquer ("Redater le Nouveau Testament" éd.
Lethielleux p. 153), un point singulier : l'une des Marie, qui assistent à
la crucifixion est "mère de Jacques, Simeon (ou Simon), Jude et José (ou
Joseph ou Joset ou Joses), qui sont les "frères" de Jésus (en fait, ses
cousins.
Mais Marc indique qu'elle est "mère de Joses" (15,47), puis "mère de
Jacques" (16,1). Robinson fait remarquer qu'après 62, et la mort de Jacques,
son frère Simon remplaça ce dernier, à la tête de l'Eglise de Jérusalem.
Pourquoi, si Marc écrit aux alentours de 70, ou un peu avant, Marc ne met-il
pas ce dernier nom en avant ?
3) J'ai déjà parlé du manuscrit 7Q5, découvert à Qumran, et forcément
antérieur à 68. Il s'agit d'un extrait de Marc (6,52-53)
La date n'est contestée par personne, mais certains contestent qu'il
s'agisse de Marc.
Leurs arguments principaux sont :
a/ La longueur des lignes n'est pas régulière. Or, J. O Callaghan a proposé
une reconstitution du texte, en cinq lignes de 20,23,20,21,21 lettres (cf C.
P. Thiede "Qumran et les évangiles éd. F. X. de Guibert p.46) C'est aussi
l'opinion d'autres papyrologues : Thiede, évidemment, Herbert Hunger,
Orsolina Montevecchi, etc.
b/ Une des lettres de la deuxième ligne, un "nu" grec, n'aurait pas de barre
transversale, d'après plusieurs auteurs qui n'ont pas étudié le manuscrit
directement (Graham Stanton, Emile Puech, etc.)
Thiede répond à Puech dans "Jésus selon Matthieu" (même éd. p. 105) que la
barre transversale a été constatée par le laboratoire criminologiste
national d'Israël. Son épaisseur a même été mesurée par ce labo, mais je ne
sais plus où j'ai lu ça, et Thiede ne le mentionne pas, en tout cas, pas à
cet endroit. De toute façon, même à l'oil nu, on peut constater que la
barre, quoique peu prononcée, existe bel et bien :
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D'autres arguments sont réfutés par Thiede dans ses réponses, à la fin de
"Jésus selon Matthieu"
Un point important : le texte retrouvé à Qumran, comme tous ceux de la
grotte 7, est en grec. Il s'agit d'un des exemplaires de l'Evangile de Marc,
qui apparemment était bien distribué dans le bassin méditerranéen. Dans la
grotte 7, on a également retrouvé un vol d'amphore, servant à transporter
les papyrus. On peut y lire (en hébreu) : Rome.
La date de 68 est une date limite, car ensuite, la zone fut bouclée par les
troupes romaines de Vespasien. Mais la rédaction de ce papyrus est sans
doute antérieure. Quant à l'original, il est encore antérieur. Et le texte
hébreu est encore plus ancien.
A moins de supposer que ce papyrus soit un des tout premiers exemplaires de
Marc, il faut repousser la rédaction à plusieurs années en arrière,
peut-être plusieurs décennies.
4) Paradoxalement, si l'Evangile de Marc est celui des quatre qui nous
fournit le moins d'indices quant à sa date de rédaction, il est celui à
propos duquel la tradition apporte les informations les plus sûres.
Nous avons deux textes de Clément d'Alexandrie affirmant que Marc écrivit
son évangile à la suite de la visite de Pierre à Rome. Eusèbe de Césarée
écrit :
"Il [Clément, dans ses "Hypotyposes"] disait que les évangiles qui
comprennent les généalogies ont été écrits d'abord, et que celui selon Marc
le fut dans les circonstances suivantes : Pierre ayant prêché la doctrine
publiquement à Rome et ayant exposé l'Évangile par l'Esprit, ses auditeurs
qui étaient nombreux exhortèrent Marc, en tant qu'il l'avait accompagné
depuis longtemps et qu'il se souvenait de ses paroles, à transcrire ce qu'il
avait dit : il le fit et transcrivit l'Évangile à ceux qui le lui avaient
demandé : ce que Pierre ayant appris, il ne fit rien par ses conseils, pour
l'en empêcher ou pour l'y pousser".
(HE 6,14,5-7)
En HE 3,39,15, Eusèbe cite Papias, qui confirme que Marc se fit l'interprète
de Pierre (ou son traducteur)
En HE 2,15,2, Eusèbe cite Papias et Clément, et confirme que c'est à Rome,
après la visite de Pierre, que Marc écrivit.
D'autres auteurs ont repris ces informations, notamment Saint Jérôme et
Irénée.
Ce dernier auteur est souvent utilisé par les tenants d'une rédaction
tardive, car Irénée affirme ("Contre les hérésies" 3,1,1) que Marc écrivit
après leur départ [de Pierre et Paul]. Ils affirment qu'Irénée signifiaient
par là "après leur mort" (en 64).
Malheureusement pour les Puech, Boismard et autres Grelot, E. E. Ellis a
montré qu'Irénée n'utilisait jamais le mot "départ" (exodos) pour autre
chose qu'un départ. Pour la mort, il utilise toujours, et sans exception, le
mot "thanatos" (Jésus selon Matthieu p. 117)
Or, Pierre est arrivé à Rome en 42, et y est resté environ deux ans, d'après
Eusèbe, et d'autres sources citées par Robinson (reportez-vous à "Redater le
Nouveau Testament" p.159 et ss. La liste des arguments de Robinson est un
peu longue)
En conclusion, il n'y a aucun argument permettant de dater l'Evangile de
Marc au-delà des années 40.
Je ne pense pas qu'on puisse non plus le dater d'une période plus ancienne,
d'abord à cause du témoignage des Pères, et aussi parce que Marc évite les
mentions concernant la prédication vers les seuls Juifs, contrairement à
Matthieu (ce qui indiquait pour ce dernier, comme je l'ai déjà dit, une
datation remontant aux années 30)
La date de 65 est une date limite vers le haut, mais la période la plus
probable reste les années 40, c'est-à-dire une période où de nombreux
témoins étaient encore vivants, par exemple Alexandre et Rufus, fils de
simon de Cyrène, que Marc mentionne en 15,21. ("Et ils requièrent, pour
porter sa croix, Simon de Cyrène, le père d'Alexandre et de Rufus, qui
passait par là, revenant des champs")
Rufus est d'ailleurs mentionné en Rom. 16,13 ("Saluez Rufus, cet élu dans le
Seigneur, et sa mère qui est aussi la mienne."), ce qui montre bien que Marc
était un familier de la communauté de Rome. Voir aussi 1Pi 5,13 ("Celle qui
est à Babylone, élue comme vous, vous salue, ainsi que Marc, mon fils.")
A mardi prochain.