Sam
2005-05-31 06:53:29 UTC
Bonjour à tous.
Sur la page :
http://www.christianisme.ch/ideologiechret.htm
Enrico Riboni écrit :
<< Le christianisme, pour sa part, exige de ses fidèles une croyance sincère
en ses mythes. Mêmes lorsque ceux-ci sont absurdes, comme la virginité de
Marie perdurant après la naissance des frères de Jésus, ou font l'objet de
récits contradictoires dans les évangiles, comme la résurrection. Il en
résulte un état de confusion mentale grave pour l'adepte du christianisme.
Pour répondre à un message d'angelrat, je vais parler aujourd'hui des
"frères" de Jésus. Sont-ils des frères au sens où nous l'entendons,
c'est-à-dire nés des mêmes parents, ou des demi-frères, ou des cousins ?
Tout d'abord, voici les principaux passages des évangiles dans lesquels il
est question des frères de Jésus :
<< Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se
tenaient dehors, cherchant à lui parler.
Quelqu'un lui dit : "Voici votre mère et vos frères qui se tiennent dehors,
et ils cherchent à vous parler."
Il répondit à l'homme qui lui disait cela : "Qui est ma mère et qui sont mes
frères ?"
Et étendant la main vers ses disciples, il dit : "Voici ma mère et mes
frères.
Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là
est pour moi frère, sour et mère" >>
Mt 12,46-50 (Passages parallèles en Mc 3,31-35 et Lc 8,19-21)
<< "N'est-ce pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s'appelle-t-elle pas
Marie, et ses frères Jacques, Joseph, Simon et Judas ?
Et ses sours, ne sont-elles pas toutes chez nous ? D'où lui vient donc tout
cela`?" >>
(Mt 13,55-56) (Passage parallèle en Mc 6,3)
On retrouve les frères de Jésus à d'autres endroits du Nouveau testament ;
j'en parle plus loin.
En grec, le terme "adelphos" (frère) désigne habituellement le frère au sens
où nous l'entendons, c'est-à-dire un fils de mêmes parents.
Parfois, ce terme a un sens plus symbolique, et désigne un membre de la même
communauté, ou un ami très cher.
Cependant, en Mt 12,46-50, Mc 3,31-35 et Lc 8,19-21 (voir ci-dessus), il est
clair que les deux acceptions sont représentées, et c'est précisément parce
qu'elles le sont, et qu'elles sont opposées, que l'expression "frères de
Jésus" désigne bien des membres de sa propre famille, par opposition avec
ses disciples, qu'il appelle également "frères".
Certains chrétiens ont supposé qu'il s'agissait soit de demi-frères de
Jésus, issus d'un premier mariage de Joseph, devenu veuf, soit de frères de
Jésus, nés après lui. La première solution permettait de sauvegarder le
dogme de la virginité perpétuelle de Marie, tandis que la seconde permettait
quand même d'attribuer à Marie la célèbre prophétie d'Isaïe : "la vierge
concevra" (7,14).
D'ailleurs, je fais remarquer que si les premiers chrétiens avaient trafiqué
les textes pour faire "coller" les récits aux prophéties, comme le
Professeur Riboni les en accuse continuellement, nul n'était besoin
d'affirmer de cacher des frères cadets de Jésus. Même si Jésus avait eu des
frères cadets, la prophétie d'Isaïe ne devenait pas "inapplicable" à sa
personne.
En plus de ces deux premières acceptions a priori possibles -frères (aînés
ou cadets) et demi-frères- il y en a une troisième, et c'est la seule qui
soit possible : les "frères" de Jésus étaient en fait ses cousins.
En grec, il existe un mot pour désigner le cousin : "anepsios". Cependant,
comme je l'ai déjà expliqué en de nombreuses occasions (notamment dans C&E
N°12), les évangiles ont été écrits en hébreu.
En hébreu, le mot "frère" se dit "AH" (aleph-heth). Or, ce mot signifie
aussi "cousin", "neveu", et ce, au sens large. Deux exemples :
Lot était le neveu d'Abraham. Or, en Gn 13,8 et Gn 14,14, Lot est appelé
"frère d'Abraham"
En Lv 10,4 il est question de "Mishaël et Elçaphân, fils d'Uzziel oncle
d'Aaron". Moïse leur dit : "Approchez et emportez VOS FRERES (AHECHEM)
(Nadab et Abihu) loin du sanctuaire, hors du camp". En 10,6, Moïse les
désigne encore sous l'appellation de "vos frères", quand il s'adresse à
Aaron et ses fils. Ce terme désigne donc les cousins d'Aaron, et les oncles
éloignés de ses fils.
On pourrait donner d'autres exemples. Dans leur traduction grecque, les
rabbins auteurs de la septante emploient toujours le mot "adelphos".
Si cela ne les gênait pas de traduire "ah" par "adelphos", il n'y a pas de
raison de s'étonner de trouver se terme dans le Nouveau Testament, en lieu
et place de "anepsios" (cousin). D'ailleurs, même si les évangiles avaient
été écrits en grec (hypothèse absurde que je n'évoque que pour éviter une
n-ième controverse sur le sujet), cela ne change rien au problème : que les
écrits grecs soient des traductions grecques de textes araméens ou hébreux,
ou des transcriptions de traditions orales araméennes ou hébraïques, il n'en
reste pas moins qu'à un moment donné, le message sémite s'est changé en
message grec. Donc, le problème de la traduction de "ah" s'est posé aux
traducteurs, et il n'y a aucune raison d'affirmer que les traducteurs
auraient pu agir autrement que les auteurs de la Septante.
On peut même être certain qu'ils ont agi ainsi, en au moins une occasion, en
Jn 19,25 :
<< Or près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sour de sa mère,
Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. >>
En fait, il s'agit ici du mot "soeur", mais le problème est le même.
Le texte grec est :
<< heistêkeisan de para tô staurô tou Iêsou hê mêtêr autou KAI hê adelphê
tês mêtros autou, Maria hê tou Klôpa KAI Maria hê Magdalênê. >>
Chaque "KAI" (français "et", hébreu "wa") sépare deux personnes. Donc, "la
sour de sa mère, Marie, femme de Clopas" désigne une seule et même personne.
Question : si "adelphê" signifie "soeur" au sens où nous l'entendons,
comment expliquer que deux soeurs aient pu s'appeler "Marie" ? Impossible.
Tout cela est bien beau me direz-vous, mais si "adelphos" peut désigner
aussi bien un frère qu'un cousin, comment puis-je être aussi certain que les
frères de Jésus sont en fait ses cousins ? Très bonne question.
(Certains arguments ont déjà été donnés la semaine dernière, notamment par
Claudine, Iffic et Goret Neuneu. J'espère que je n'oublie personne, et que
les susnommés ne m'en voudront pas de repomper en partie ce qu'ils ont
écrit)
Tous les arguments ci-dessous ne sont pas de valeur égale, mais ils vont
tous dans le même sens.
1) En Lc 2,41 et ss, il est question de la visite de la Sainte Famille au
Temple de Jérusalem, et de la disparition de Jésus, qu'ils retrouvent au
bout de trois jours. Jésus avait douze ans (Lc 2,42). Or, nulle part il
n'est question des frères et soeurs de Jésus. Quelqu'un, dans un message que
je n'ai pas retrouvé, supposait, en réponse à cela, que les autres enfants
étant trop jeunes pour faire le pèlerinage, étaient restés à Nazareth. Cela
n'est pas impossible, mais je fais remarquer que cela élimine la possibilité
que les frères de Jésus soient ses aînés.
2) L'un des "frères" de Jésus, est Jacques, l'un des douze :
<< Ensuite, après trois ans, je montai à Jérusalem rendre visite à Céphas et
demeurai auprès de lui quinze jours. Je n'ai pas vu d'autre apôtre, mais
seulement Jacques, le frère du Seigneur >> (Ga 1,19)
Il ne peut s'agir de Jacques de Zébédée, qui mourut en 44 (Ac 12,2), mais
bien de Jacques le mineur, qu'on retrouve plus loin dans les Actes (12,17 ;
15,13 etc.)
Jacques le Mineur est également appelé Jacques (fils) d'Alphée.(Mt 10,3 Mc
2,14 Lc 6,15 etc.) et il mourut en 62 d'après Flavius Josephe (j'en
reparlerai)
Si Jacques est le fils d'Alphée, comment peut-il être le fils de Joseph, le
père de Jésus ?
3) La Marie "soeur" de la Vierge Marie et dont j'ai parlé plus haut est
désignée comme "Marie (femme) de Cleophas" (Jn 19,25)
Cleophas (araméen Cholphai) et Alphée sont une seule et même personne,
désignée sous son nom grec ou araméen. Cette Marie femme de Cleophas est
aussi appelée "Marie mère de Jacques et Joseph" (Mt 27,56), "Marie mère de
Jacques le Mineur et de Joset (ou Joseph)" (Mc 15,40), "Marie mère de Joset"
(Mc 15,47), "Marie mère de Jacques" (Mc 16,1), "Marie mère de Jacques" (Lc
24,10)
Question : si Jacques et Joseph sont les frères de Jésus, pourquoi les
évangélistes désignent-ils cette Marie comme "mère de Jacques et Joseph" et
non comme "mère de Jésus" ? Quelqu'un a une idée ?
Et comme nous l'avons vu, Jean l'appelle "la sour de sa mère, Marie, femme
de Clopas" (Jn 19,25)
4) Jude, un des quatre frères (il s'appelait en fait Judas, mais on le
désigne sous le nom de Jude, pour le distinguer de l'Iscariote), est
l'auteur d'une épître qui porte son nom. Elle commence par ces mots :
<< Jude, serviteur de Jésus Christ, frère de Jacques, aux appelés, aimés de
Dieu le Père et gardés pour Jésus Christ. >>
Pourquoi Jude, qui précise qu'il est le frère de Jacques, ne précise-t-il
pas aussi qu'il est le frère de Jésus ? Il aurait pu le faire, nous l'avons
vu, qu'il fût son frère ou son cousin. Quelle que soit le cas de figure, le
mot "adelphos" pouvait être employé. S'il ne le fait pas, n'est-ce pas
justement parce qu'il s'est auparavant défini comme "frère de Jacques", et
qu'il ne voulait pas mélanger les deux types de parenté qui l'unissaient,
d'une part à Jacques, d'autre part à Jésus ?
Pour quelle autre raison se serait-il privé d'un parrainage aussi
prestigieux, pour se contenter du titre de "serviteur de Jésus", dont tous
les Chrétiens peuvent se prévaloir ?
6) En Jn 19,26-27, on peut lire :
<< Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d'elle, le disciple qu'il
aimait [Jean], dit à sa mère : "Femme, voici ton fils". Puis il dit au
disciple : "Voici ta mère". Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit
chez lui. >>
On peut se demander pourquoi, si Jésus avait des frères, il confie sa mère à
Jean.
On a souvent (et pas plus tard que la semaine dernière sur ce forum) allégué
que Jésus avait été poussé par le fait que Jean lui semblait digne, de par
ses convictions, d'héberger sa mère, alors que ses frères ont mis un certain
temps à le reconnaître.
Cela n'est pas impossible, et il est vrai qu'il tenait Jean en haute estime,
et que ses frères l'ont souvent déçu.
Cependant, il est assez étonnant, de voir dans un milieu aussi soucieux du
respect des relations filiales, qu'un étranger ait pu se substituer à un des
fils de Marie.
Sans qu'on puisse attribuer à cet argument un poids décisif, il est clair
que cette aberration s'explique beaucoup mieux si les liens entre Marie et
les quatre "frères" est plus distendue que celle qui unit une mère et ses
fils.
7) La tradition évangélique est unanime au sujet de la virginité de Marie,
avant et après la naissance de Jésus et/ou de la nature des liens familiaux
entre Jésus et ses "frères". On peut citer notamment, en dehors des
évangiles, Hégésippe (qui parle de Simon, cousin de Jésus), Papias et des
dizaines d'autres plus tardifs, notamment l'inévitable Eusèbe de Césarée.
Réfutation de quelques objections.
1) Helvidius, le premier hérétique à affirmer que Marie eut d'autres
enfants, utilisait le verset suivant :
<< Or telle fut la genèse de Jésus Christ. Marie, sa mère, était fiancée à
Joseph : or, AVANT QU'ILS EUSSENT MENE VIE COMMUNE, elle se trouva enceinte
par le fait de l'Esprit Saint. >>
Sous-entendu : "par la suite, ils ont mené vie commune".
Saint-Jérôme, (libellus adversus Helvidius) lui répondait avec humour et
raison :
<< Si j'écrivais "Helvidius fut surpris par la mort avant de faire
pénitence", s'ensuivrait-il qu'il a fait pénitence après son trépas ? >>
Il n'y a pas grand-chose à rajouter.
2) Angelrat a avancé un argument quasi identique :
<< "Mais il ne la connut pas (1) jusqu'à ce qu'elle enfantât son fils,
auquel
il donna le nom de Jésus." Matthieu 1:25 (versions Oecuménique, de
Jérusalem, Crampon et Osty)
(...)
Notons: "Mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle..." Ce passage affirme
avec force que Marie devint après la naissance miraculeuse de Jésus,
l'épouse de Joseph, dont elle a eu plusieurs enfants. >>
Comme on le voit, les arguments des adversaires de l'Eglise ne sont pas très
variés, ni très nouveaux, ni très fondés. Je pourrais plagier la réponse de
Jérôme, mais je préfère répondre sur le fond : le souci de Matthieu, dans ce
passage, est de montrer que Jésus est celui qu'Isaïe avait annoncé comme
fils de la vierge. Il rappelle la prophétie deux versets plus haut :
<< et il ne la connut pas jusqu'au jour où elle enfanta un fils, et il
l'appela du nom de Jésus. >> (Mt 1,23)
Par conséquent, ce qui l'intéresse, c'est de dire que Marie, depuis sa
propre naissance jusqu'à celle de Jésus, est resté vierge. Ce qui s'est
passé ensuite n'a aucun intérêt pour lui, dans le cadre de ce qu'il entend
prouver.
De plus, peut-être ignore-t-il en quoi ont consisté les relations conjugales
de Marie et Joseph, et j'aimerais bien savoir pourquoi il aurait interrogé
la mère de Jésus à ce sujet.
Par contre, si Jésus est bien né d'une vierge, il est évident que Marie et
Joseph se sont exprimés au sujet de leurs relations précédant la naissance
de Jésus, et sans doute aussi la sage-femme, s'il y en eut une, ce qui est
probable.
3) Angelrat toujours, écrit :
<< Luc 1:36: Au sujet d'Elisabeth, nous trouvons un autre mot grec:
I~suggenés~I, qui peut signifier gens de la même race, parents, cousins. Ce
mot est traduit par les anciennes Bibles Catholiques et Protestantes par
"cousine", Elisabeth, ta cousine (versions De Saci, Ostervald, etc ...).
Cette traduction paraît correcte. Si les frères de Jésus avaient été
réellement des cousins ou des proches' parents, ce mot aurait été employé.
Colossiens 4:10: En parlant de Marc, le cousin de Barnabas, Paul emploie un
autre mot grec qui peut signifier cousins germains ou neveux "anepsios" Il
est traduit par cousin dans à peu près toutes les versions. (Voir Crampon,
Maredsous et Jérusalem). >>
Cet argument ne vaut rien : le fait qu'on désigne une fois dans la Bible
grecque un cousin par le terme d'anepsios n'empêche pas tous les
contre-exemples que la Septante contient. De plus, cet extrait est tiré
d'une épître écrite pour un public grec, éventuellement juif, mais établi en
milieu grec. Il n'y a rien d'étonnant à ce que le traducteur de Paul ait
choisi le terme anepsios plutôt que adelphos.
Le fait qu'un traducteur, celui de "Colossiens" ait choisi ce terme,
n'implique pas que TOUS les traducteurs des textes hébreux du NT devaient
faire le même choix. Il y a là une erreur logique.
L'exemple d'Elisabeth est encore moins bon, puisqu'elle et son mari son des
vieillards :
<< Zacharie dit à l'ange : À quoi connaîtrai-je cela? Car moi je suis un
vieillard et ma femme est avancée en âge. >> (Lc 1,18)
Il est donc peu probable que Marie et Elisabeth fussent cousines germaines.
En guise de conclusion :
Les arguments que j'ai tenté d'exposer sont principalement tirés des
témoignages que constituent les évangiles. Evidemment, il y aura toujours
des gens pour prétendre que les évangiles sont un ramassis de sornettes, et
ça n'est sûrement pas cette semaine qu'ils changeront d'avis.
Par contre, il est très révélateur de leur malhonnêteté, qu'ils accordent, à
propos des frères de Jésus, du crédit aux évangiles, quand il s'agit de
s'attaquer à un dogme qui leur déplait.
Personne n'est obligé de croire que Marie n'a eu qu'un enfant, mais il est
impossible d'utiliser les évangiles pour asseoir l'opinion inverse, comme le
fait Riboni.
A mardi prochain.
Sur la page :
http://www.christianisme.ch/ideologiechret.htm
Enrico Riboni écrit :
<< Le christianisme, pour sa part, exige de ses fidèles une croyance sincère
en ses mythes. Mêmes lorsque ceux-ci sont absurdes, comme la virginité de
Marie perdurant après la naissance des frères de Jésus, ou font l'objet de
récits contradictoires dans les évangiles, comme la résurrection. Il en
résulte un état de confusion mentale grave pour l'adepte du christianisme.
Pour répondre à un message d'angelrat, je vais parler aujourd'hui des
"frères" de Jésus. Sont-ils des frères au sens où nous l'entendons,
c'est-à-dire nés des mêmes parents, ou des demi-frères, ou des cousins ?
Tout d'abord, voici les principaux passages des évangiles dans lesquels il
est question des frères de Jésus :
<< Comme il parlait encore aux foules, voici que sa mère et ses frères se
tenaient dehors, cherchant à lui parler.
Quelqu'un lui dit : "Voici votre mère et vos frères qui se tiennent dehors,
et ils cherchent à vous parler."
Il répondit à l'homme qui lui disait cela : "Qui est ma mère et qui sont mes
frères ?"
Et étendant la main vers ses disciples, il dit : "Voici ma mère et mes
frères.
Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là
est pour moi frère, sour et mère" >>
Mt 12,46-50 (Passages parallèles en Mc 3,31-35 et Lc 8,19-21)
<< "N'est-ce pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s'appelle-t-elle pas
Marie, et ses frères Jacques, Joseph, Simon et Judas ?
Et ses sours, ne sont-elles pas toutes chez nous ? D'où lui vient donc tout
cela`?" >>
(Mt 13,55-56) (Passage parallèle en Mc 6,3)
On retrouve les frères de Jésus à d'autres endroits du Nouveau testament ;
j'en parle plus loin.
En grec, le terme "adelphos" (frère) désigne habituellement le frère au sens
où nous l'entendons, c'est-à-dire un fils de mêmes parents.
Parfois, ce terme a un sens plus symbolique, et désigne un membre de la même
communauté, ou un ami très cher.
Cependant, en Mt 12,46-50, Mc 3,31-35 et Lc 8,19-21 (voir ci-dessus), il est
clair que les deux acceptions sont représentées, et c'est précisément parce
qu'elles le sont, et qu'elles sont opposées, que l'expression "frères de
Jésus" désigne bien des membres de sa propre famille, par opposition avec
ses disciples, qu'il appelle également "frères".
Certains chrétiens ont supposé qu'il s'agissait soit de demi-frères de
Jésus, issus d'un premier mariage de Joseph, devenu veuf, soit de frères de
Jésus, nés après lui. La première solution permettait de sauvegarder le
dogme de la virginité perpétuelle de Marie, tandis que la seconde permettait
quand même d'attribuer à Marie la célèbre prophétie d'Isaïe : "la vierge
concevra" (7,14).
D'ailleurs, je fais remarquer que si les premiers chrétiens avaient trafiqué
les textes pour faire "coller" les récits aux prophéties, comme le
Professeur Riboni les en accuse continuellement, nul n'était besoin
d'affirmer de cacher des frères cadets de Jésus. Même si Jésus avait eu des
frères cadets, la prophétie d'Isaïe ne devenait pas "inapplicable" à sa
personne.
En plus de ces deux premières acceptions a priori possibles -frères (aînés
ou cadets) et demi-frères- il y en a une troisième, et c'est la seule qui
soit possible : les "frères" de Jésus étaient en fait ses cousins.
En grec, il existe un mot pour désigner le cousin : "anepsios". Cependant,
comme je l'ai déjà expliqué en de nombreuses occasions (notamment dans C&E
N°12), les évangiles ont été écrits en hébreu.
En hébreu, le mot "frère" se dit "AH" (aleph-heth). Or, ce mot signifie
aussi "cousin", "neveu", et ce, au sens large. Deux exemples :
Lot était le neveu d'Abraham. Or, en Gn 13,8 et Gn 14,14, Lot est appelé
"frère d'Abraham"
En Lv 10,4 il est question de "Mishaël et Elçaphân, fils d'Uzziel oncle
d'Aaron". Moïse leur dit : "Approchez et emportez VOS FRERES (AHECHEM)
(Nadab et Abihu) loin du sanctuaire, hors du camp". En 10,6, Moïse les
désigne encore sous l'appellation de "vos frères", quand il s'adresse à
Aaron et ses fils. Ce terme désigne donc les cousins d'Aaron, et les oncles
éloignés de ses fils.
On pourrait donner d'autres exemples. Dans leur traduction grecque, les
rabbins auteurs de la septante emploient toujours le mot "adelphos".
Si cela ne les gênait pas de traduire "ah" par "adelphos", il n'y a pas de
raison de s'étonner de trouver se terme dans le Nouveau Testament, en lieu
et place de "anepsios" (cousin). D'ailleurs, même si les évangiles avaient
été écrits en grec (hypothèse absurde que je n'évoque que pour éviter une
n-ième controverse sur le sujet), cela ne change rien au problème : que les
écrits grecs soient des traductions grecques de textes araméens ou hébreux,
ou des transcriptions de traditions orales araméennes ou hébraïques, il n'en
reste pas moins qu'à un moment donné, le message sémite s'est changé en
message grec. Donc, le problème de la traduction de "ah" s'est posé aux
traducteurs, et il n'y a aucune raison d'affirmer que les traducteurs
auraient pu agir autrement que les auteurs de la Septante.
On peut même être certain qu'ils ont agi ainsi, en au moins une occasion, en
Jn 19,25 :
<< Or près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sour de sa mère,
Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. >>
En fait, il s'agit ici du mot "soeur", mais le problème est le même.
Le texte grec est :
<< heistêkeisan de para tô staurô tou Iêsou hê mêtêr autou KAI hê adelphê
tês mêtros autou, Maria hê tou Klôpa KAI Maria hê Magdalênê. >>
Chaque "KAI" (français "et", hébreu "wa") sépare deux personnes. Donc, "la
sour de sa mère, Marie, femme de Clopas" désigne une seule et même personne.
Question : si "adelphê" signifie "soeur" au sens où nous l'entendons,
comment expliquer que deux soeurs aient pu s'appeler "Marie" ? Impossible.
Tout cela est bien beau me direz-vous, mais si "adelphos" peut désigner
aussi bien un frère qu'un cousin, comment puis-je être aussi certain que les
frères de Jésus sont en fait ses cousins ? Très bonne question.
(Certains arguments ont déjà été donnés la semaine dernière, notamment par
Claudine, Iffic et Goret Neuneu. J'espère que je n'oublie personne, et que
les susnommés ne m'en voudront pas de repomper en partie ce qu'ils ont
écrit)
Tous les arguments ci-dessous ne sont pas de valeur égale, mais ils vont
tous dans le même sens.
1) En Lc 2,41 et ss, il est question de la visite de la Sainte Famille au
Temple de Jérusalem, et de la disparition de Jésus, qu'ils retrouvent au
bout de trois jours. Jésus avait douze ans (Lc 2,42). Or, nulle part il
n'est question des frères et soeurs de Jésus. Quelqu'un, dans un message que
je n'ai pas retrouvé, supposait, en réponse à cela, que les autres enfants
étant trop jeunes pour faire le pèlerinage, étaient restés à Nazareth. Cela
n'est pas impossible, mais je fais remarquer que cela élimine la possibilité
que les frères de Jésus soient ses aînés.
2) L'un des "frères" de Jésus, est Jacques, l'un des douze :
<< Ensuite, après trois ans, je montai à Jérusalem rendre visite à Céphas et
demeurai auprès de lui quinze jours. Je n'ai pas vu d'autre apôtre, mais
seulement Jacques, le frère du Seigneur >> (Ga 1,19)
Il ne peut s'agir de Jacques de Zébédée, qui mourut en 44 (Ac 12,2), mais
bien de Jacques le mineur, qu'on retrouve plus loin dans les Actes (12,17 ;
15,13 etc.)
Jacques le Mineur est également appelé Jacques (fils) d'Alphée.(Mt 10,3 Mc
2,14 Lc 6,15 etc.) et il mourut en 62 d'après Flavius Josephe (j'en
reparlerai)
Si Jacques est le fils d'Alphée, comment peut-il être le fils de Joseph, le
père de Jésus ?
3) La Marie "soeur" de la Vierge Marie et dont j'ai parlé plus haut est
désignée comme "Marie (femme) de Cleophas" (Jn 19,25)
Cleophas (araméen Cholphai) et Alphée sont une seule et même personne,
désignée sous son nom grec ou araméen. Cette Marie femme de Cleophas est
aussi appelée "Marie mère de Jacques et Joseph" (Mt 27,56), "Marie mère de
Jacques le Mineur et de Joset (ou Joseph)" (Mc 15,40), "Marie mère de Joset"
(Mc 15,47), "Marie mère de Jacques" (Mc 16,1), "Marie mère de Jacques" (Lc
24,10)
Question : si Jacques et Joseph sont les frères de Jésus, pourquoi les
évangélistes désignent-ils cette Marie comme "mère de Jacques et Joseph" et
non comme "mère de Jésus" ? Quelqu'un a une idée ?
Et comme nous l'avons vu, Jean l'appelle "la sour de sa mère, Marie, femme
de Clopas" (Jn 19,25)
4) Jude, un des quatre frères (il s'appelait en fait Judas, mais on le
désigne sous le nom de Jude, pour le distinguer de l'Iscariote), est
l'auteur d'une épître qui porte son nom. Elle commence par ces mots :
<< Jude, serviteur de Jésus Christ, frère de Jacques, aux appelés, aimés de
Dieu le Père et gardés pour Jésus Christ. >>
Pourquoi Jude, qui précise qu'il est le frère de Jacques, ne précise-t-il
pas aussi qu'il est le frère de Jésus ? Il aurait pu le faire, nous l'avons
vu, qu'il fût son frère ou son cousin. Quelle que soit le cas de figure, le
mot "adelphos" pouvait être employé. S'il ne le fait pas, n'est-ce pas
justement parce qu'il s'est auparavant défini comme "frère de Jacques", et
qu'il ne voulait pas mélanger les deux types de parenté qui l'unissaient,
d'une part à Jacques, d'autre part à Jésus ?
Pour quelle autre raison se serait-il privé d'un parrainage aussi
prestigieux, pour se contenter du titre de "serviteur de Jésus", dont tous
les Chrétiens peuvent se prévaloir ?
6) En Jn 19,26-27, on peut lire :
<< Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d'elle, le disciple qu'il
aimait [Jean], dit à sa mère : "Femme, voici ton fils". Puis il dit au
disciple : "Voici ta mère". Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit
chez lui. >>
On peut se demander pourquoi, si Jésus avait des frères, il confie sa mère à
Jean.
On a souvent (et pas plus tard que la semaine dernière sur ce forum) allégué
que Jésus avait été poussé par le fait que Jean lui semblait digne, de par
ses convictions, d'héberger sa mère, alors que ses frères ont mis un certain
temps à le reconnaître.
Cela n'est pas impossible, et il est vrai qu'il tenait Jean en haute estime,
et que ses frères l'ont souvent déçu.
Cependant, il est assez étonnant, de voir dans un milieu aussi soucieux du
respect des relations filiales, qu'un étranger ait pu se substituer à un des
fils de Marie.
Sans qu'on puisse attribuer à cet argument un poids décisif, il est clair
que cette aberration s'explique beaucoup mieux si les liens entre Marie et
les quatre "frères" est plus distendue que celle qui unit une mère et ses
fils.
7) La tradition évangélique est unanime au sujet de la virginité de Marie,
avant et après la naissance de Jésus et/ou de la nature des liens familiaux
entre Jésus et ses "frères". On peut citer notamment, en dehors des
évangiles, Hégésippe (qui parle de Simon, cousin de Jésus), Papias et des
dizaines d'autres plus tardifs, notamment l'inévitable Eusèbe de Césarée.
Réfutation de quelques objections.
1) Helvidius, le premier hérétique à affirmer que Marie eut d'autres
enfants, utilisait le verset suivant :
<< Or telle fut la genèse de Jésus Christ. Marie, sa mère, était fiancée à
Joseph : or, AVANT QU'ILS EUSSENT MENE VIE COMMUNE, elle se trouva enceinte
par le fait de l'Esprit Saint. >>
Sous-entendu : "par la suite, ils ont mené vie commune".
Saint-Jérôme, (libellus adversus Helvidius) lui répondait avec humour et
raison :
<< Si j'écrivais "Helvidius fut surpris par la mort avant de faire
pénitence", s'ensuivrait-il qu'il a fait pénitence après son trépas ? >>
Il n'y a pas grand-chose à rajouter.
2) Angelrat a avancé un argument quasi identique :
<< "Mais il ne la connut pas (1) jusqu'à ce qu'elle enfantât son fils,
auquel
il donna le nom de Jésus." Matthieu 1:25 (versions Oecuménique, de
Jérusalem, Crampon et Osty)
(...)
Notons: "Mais il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle..." Ce passage affirme
avec force que Marie devint après la naissance miraculeuse de Jésus,
l'épouse de Joseph, dont elle a eu plusieurs enfants. >>
Comme on le voit, les arguments des adversaires de l'Eglise ne sont pas très
variés, ni très nouveaux, ni très fondés. Je pourrais plagier la réponse de
Jérôme, mais je préfère répondre sur le fond : le souci de Matthieu, dans ce
passage, est de montrer que Jésus est celui qu'Isaïe avait annoncé comme
fils de la vierge. Il rappelle la prophétie deux versets plus haut :
<< et il ne la connut pas jusqu'au jour où elle enfanta un fils, et il
l'appela du nom de Jésus. >> (Mt 1,23)
Par conséquent, ce qui l'intéresse, c'est de dire que Marie, depuis sa
propre naissance jusqu'à celle de Jésus, est resté vierge. Ce qui s'est
passé ensuite n'a aucun intérêt pour lui, dans le cadre de ce qu'il entend
prouver.
De plus, peut-être ignore-t-il en quoi ont consisté les relations conjugales
de Marie et Joseph, et j'aimerais bien savoir pourquoi il aurait interrogé
la mère de Jésus à ce sujet.
Par contre, si Jésus est bien né d'une vierge, il est évident que Marie et
Joseph se sont exprimés au sujet de leurs relations précédant la naissance
de Jésus, et sans doute aussi la sage-femme, s'il y en eut une, ce qui est
probable.
3) Angelrat toujours, écrit :
<< Luc 1:36: Au sujet d'Elisabeth, nous trouvons un autre mot grec:
I~suggenés~I, qui peut signifier gens de la même race, parents, cousins. Ce
mot est traduit par les anciennes Bibles Catholiques et Protestantes par
"cousine", Elisabeth, ta cousine (versions De Saci, Ostervald, etc ...).
Cette traduction paraît correcte. Si les frères de Jésus avaient été
réellement des cousins ou des proches' parents, ce mot aurait été employé.
Colossiens 4:10: En parlant de Marc, le cousin de Barnabas, Paul emploie un
autre mot grec qui peut signifier cousins germains ou neveux "anepsios" Il
est traduit par cousin dans à peu près toutes les versions. (Voir Crampon,
Maredsous et Jérusalem). >>
Cet argument ne vaut rien : le fait qu'on désigne une fois dans la Bible
grecque un cousin par le terme d'anepsios n'empêche pas tous les
contre-exemples que la Septante contient. De plus, cet extrait est tiré
d'une épître écrite pour un public grec, éventuellement juif, mais établi en
milieu grec. Il n'y a rien d'étonnant à ce que le traducteur de Paul ait
choisi le terme anepsios plutôt que adelphos.
Le fait qu'un traducteur, celui de "Colossiens" ait choisi ce terme,
n'implique pas que TOUS les traducteurs des textes hébreux du NT devaient
faire le même choix. Il y a là une erreur logique.
L'exemple d'Elisabeth est encore moins bon, puisqu'elle et son mari son des
vieillards :
<< Zacharie dit à l'ange : À quoi connaîtrai-je cela? Car moi je suis un
vieillard et ma femme est avancée en âge. >> (Lc 1,18)
Il est donc peu probable que Marie et Elisabeth fussent cousines germaines.
En guise de conclusion :
Les arguments que j'ai tenté d'exposer sont principalement tirés des
témoignages que constituent les évangiles. Evidemment, il y aura toujours
des gens pour prétendre que les évangiles sont un ramassis de sornettes, et
ça n'est sûrement pas cette semaine qu'ils changeront d'avis.
Par contre, il est très révélateur de leur malhonnêteté, qu'ils accordent, à
propos des frères de Jésus, du crédit aux évangiles, quand il s'agit de
s'attaquer à un dogme qui leur déplait.
Personne n'est obligé de croire que Marie n'a eu qu'un enfant, mais il est
impossible d'utiliser les évangiles pour asseoir l'opinion inverse, comme le
fait Riboni.
A mardi prochain.